Fest-noz still alive !

Publié le par Mademois'Hell

Bonjour bonjour !

 

Cet article va quelque peu changer, non pas dans le ton, mais dans le sujet. Si vous me lisez un tant soit peu assidûment, vous savez que j'ai un amour assez peu conditionnel pour le rock, et que je me laisse volontiers tenter par la trip-hop et tout un tas de courants électro. Avec un peu de metal par-dessus, quand l'envie m'en prend.

 

Ce que vous ne savez sans doute pas, c'est que mon éclectisme va plus loin. En effet, je suis passionnée, depuis environ quatre ans, de culture bretonne. Bien évidemment, chez moi, qui dit "culture" implique forcément "musique".

Je ne suis toujours pas musicienne, mais je fais de la danse bretonne depuis quatre ans. Je vais en fest-noz comme certains vont en boîte, c'est ma distraction du samedi soir. Je danse jusqu'à pas d'heure au son de l'accordéon, du chant ou du biniou, je rentre dans un état de fatigue incroyable et je m'éclate comme c'est à peine légal. Une vraie passion, je vous dis.

 

Pour les novices, le fest-noz, kézaco ?

 

Fest-noz est un terme breton qui signifie littéralement "fête de nuit". On peut comparer ça aux bals folk qui existent un peu partout, à la différence près que la musique y est exclusivement bretonne.

Les instruments classiques de la musique bretonne sont l'accordéon diatonique (plus petit et moins bling-bling que l'accordéon chromatique façon Yvette Horner), le biniou (sorte de petite cornemuse à un seul bourdon) et la bombarde (instrument à vent qui a la particularité de faire saigner tous les tympas à cinq mètres à la ronde - avant de commencer à apprendre la bombarde, assurez-vous que l'isolation phonique de votre logement tient la marée). La musique bretonne à danser peut également être chantée. La forme la plus courante est ce qu'on appelle le kañ ha diskañ (chant et contre-chant) : deux chanteurs, ou un chanteur et les choeurs, se répondent avec ou sans tuilage (morceau de phrase chanté à l'unisson par tous les chanteurs, qui sert de lien entre les phrases chantées par chacun).

 

Il existe d'autres musiques typiquement bretonnes, qui ne sont pas faites pour danser. Citons notamment les complaintes et les gwerzioù. Mais on s'éloinge du sujet, et on arrive dans un domaine où je m'y connais nettement moins.

 

Le temps avançant, et les influences se multipliant, les instruments mis à contribution se sont diversifiés et la palette des groupes de musique à danser s'est considérablement élargie.

 

Dans les années 1980 et 1990, le fest-noz, qui était plus ou moins moribond, a connu un regain d'énergie, porté par des groupes tels que Ar re yaouank ou Sonerien Du, qui tournent encore, pour certains, et qui sont devenus des références absolues. Encore maintenant, en 2014, le simple fait d'avoir Sonerien Du à l'affiche d'un fest-noz assure une affluence impressionnante.

Le fest-noz a en effet bénéficié du renouveau de la culture bretonne qui a accompagné le développement de Diwan (écoles en langue bretonne). Aujourd'hui, chaque week-end apporte son lot de festoù-noz, organisés par des associations locales, des cercles celtiques, plus rarement des mairies ou des festivals à portée plus vaste (coucou les Vieilles Charrues ou le festival rennais Rock'n'Solex). Les groupes ne se comptent plus et il y en a pour tous les goûts, du plus traditionnel au plus moderne.

 

C'est précisément la deuxième catégorie de groupes que j'ai envie de vous faire découvrir. Car malgré l'image désuète du fest-noz, certains groupes sont décidément ancrés dans le paysage musical moderne. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à gommer les frontières entre les genres. Voici une petite sélection :

 

¤ Plantec

 

Plantec est, sans conteste, l'un des chefs de file de cette nouvelle génération. Depuis plus de dix ans maintenant, le groupe à la composition changeante et toujours emmené par les deux frères Odran et Yannick Plantec diffuse en France et en Europe (voire dans le monde ?) une musique bretonne influencée par le rock, le métal (sur les premiers albums) et l'électro. Le groupe n'hésite pas à utiliser des samples et autres boîtes à rythme pour créer une atmosphère toujours un peu sombre, un peu lourde, où la guitare souligne la rythmique, laissant la bombarde s'envoler et ramener la musique dans les vertes contrées celtes. Leur dernier album, Awen, marque un tournant dans la composition du groupe, ainsi que dans sa musique. Certains s'y sont perdus, mais à mon sens, le groupe a su conserver son identité. Si vous passez dans la région, Plantec devrait être très présent en fest-noz cet automne, en vue de la sortie de leur futur album

 

¤ Digresk

 

En un mot comme en cent, Digresk est LE groupe incontournable en ce moment. Leur musique très dynamique, teintée de rock et de ska, plaît à toutes les générations. A tel point que Digresk est l'un des rares groupes bretons actuels à avoir une véritable "fanbase", des gens qui sont capables de traverser un département rien que pour les voir jouer en fest-noz.

Leur troisième album, Resistañs (je ne vous ferai pas l'affront de vous traduire le titre...) est sorti en novembre 2013.

 

¤ Kaïffa

 

Voici un groupe qui n'a pas encore explosé, mais qui connaît de plus en plus de succès et sur lequel je place pas mal d'espoirs. Kaïffa est un groupe assez jeune, dont les influences vont pas mal chercher du côté du ska, mais également de la musique orientale. Ils font également partie de ces groupes qui cherchent à redonner un peu de diversité à leur répertoire de danses, n'hésitant pas à proposer des choses un peu plus compliquées, tout en les dépoussiérant, ce qui n'est pas forcément une mince affaire.

 

¤ Startijenn

 

Avec Plantec, Startijenn est l'autre chef de file de cette "nouvelle scène" (même si je déteste cette expression). Les approches des deux groupes sont très différentes, voire opposées : là où Plantec s'éprend d'électronique, Startijenn (énergie, en breton) a conservé une composition assez classique : bombarde - accordéon - percussions etc. Là où le groupe se distingue des anciens, c'est par des compositions à la fois modernes et 100% bretonnantes. La musique de Startijenn, en elle-même, emprunte assez peu ailleurs.

Toutefois, il s'agit d'excellents musiciens aux visées musicales ambitieuses. En 2012, à l'occasion du festival Yaouank, Startijenn a ainsi présenté la création El-TaQa, avec de fortes influences punk et raï, un mélange relativement inédit dont on parle encore, presque deux ans après...

 

 

¤ Eien

 

Pour la fin, je vous garde mes petits chouchous du moment : Eien. Ce groupe s'est formé il y a quelques années déjà, mais ses membres sont tous très jeunes (bien plus jeunes que moi, en tout cas). Tous ont la particularité d'être d'excellents musiciens (probablement les meilleurs de leur classe d'âge, si vous me demandez mon avis) et de jouer un peu partout : l'accordéoniste, le sonneur et le clarinettiste jouent tous dans au moins un autre groupe ou duo (les autres aussi, peut-être, pour ce que j'en sais).

La musique d'Eien, quant à elle, est très bretonnante, avec pas mal d'influences venues d'Irlande mais aussi, plus ou moins surprenant, du jazz. Elle se caractérise par des rythmes toujours très vifs. Je pense qu'un jour, les cercles circassiens d'Eien me tueront. Je suis prête. Je crois.

 

Evidemment, la liste ne s'arrête pas là. J'aurais pu vous parler de HiKS, d'IMG, de Zonk ou d'Esquisse.

 

J'aurais pu aussi vous parler des collaborations novatrices telles que "Cuba y Breizh" du Bagad de Cesson-Sévigné (35). (M'enfin, pour ça, je vous laisse aller sur Youtube, vous y trouverez votre bonheur et vous aurez tout le loisir de voir à quel point le mélange fonctionne.)

 

Evidemment encore, ces groupes ont besoin de structures pour les porter. Structures de distribution (Coop Breizh), labels (tels que Ride On, dont je vous parlerai dans un article à venir) et structures associatives. On notera le boulot exceptionnel que fait Skeudenn Bro Roazhon dans la région rennaise, notamment via l'organisation de festivals (Yaouank bien sûr, mais aussi Sevenadur et Gouel Breizh), le soutien aux petites associations locales et la promotion des groupes.

 

C'est vraiment tout un mouvement qui se cache derrière ces groupes, qui sont un peu les figures de proue (parce que "têtes de gondole" c'est pas vraiment flatteur) de la musique bretonne actuelle, et plus généralement, d'une culture bretonne qui est en phase avec son monde et qui se bat pour rester vivante et dynamique.

 

Breizh atao.

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